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SAINTE ÉLISABETH DE RUSSIE

 

LA VIE ET L’ŒUVRE

DE SAINTE ÉLISABETH DE RUSSIE

par Anne Khoudokormoff-Kotschoubey

« Je laisse un monde brillant où j’avais une place brillante
et avec vous toutes je monte dans un monde plus grand :
le monde des pauvres et de la souffrance. »

Née le 1e novembre 1864, Élisabeth est la fille du grand-duc Louis IV de Hesse-Darmstadt et de la princesse Alice, une des filles de la reine Victoria d’Angleterre. Elle reçoit ce prénom en souvenir de sainte Élisabeth de Thuringe et de Hongrie, une ancêtre de la famille, canonisée au XIIIe siècle en raison de son dévouement aux pauvres et aux nécessiteux. Surnommée Ella, elle est le deuxième enfant d’une famille qui en comptera sept. Elle grandit dans un environnement où domine l’attention aux autres. En 1869, sa mère crée une association de femmes pour former des infirmières. Ensuite, avec une partie de son héritage, elle fait construire un hôpital qu’elle visite volontiers en compagnie de ses enfants.

La jeune Élisabeth reçoit une éducation qui sied à une princesse. Elle est instruite par des précepteurs dans des domaines variés, y compris artistiques. Elle apprend le français et l’anglais. Elle fait des voyages à l’étranger. Par ses séjours prolongés et fréquents à la cour d’Angleterre où elle retrouve sa grand-mère, la reine Victoria, elle est initiée aux us et coutumes de la cour..

 

À l’occasion d’une réunion familiale à Darmstadt, Élisabeth rencontre son futur mari, le grand-duc Serge Alexandrovitch, fils cadet du tsar Alexandre II, et frère du futur Alexandre III. La mère du grand-duc Serge est également issue de la maison de Hesse. Le mariage a lieu en 1884. Élisabeth, qui a vingt ans, s’appelle désormais Élisabeth Feodorovna. Lors de la cérémonie, sa sœur Alix, sa cadette de sept ans, fait la connaissance du neveu de Serge, le tsarévitch Nicolas, et ils se marieront dix ans plus tard. Alix deviendra tsarine sous le nom d’Alexandra en 1896 quand Nicolas II sera couronné empereur.

Au début de leur mariage, Serge et Élisabeth résident au palais de Peterhof, non loin de Saint-Pétersbourg, au bord du golfe de Finlande. Serge comble sa femme de cadeaux : Élisabeth ne compte plus les parures ni les bijoux. Le couple n’aura pas d’enfants mais lorsque, en 1891, le frère de Serge, le grand-duc Paul, perd sa femme, Élisabeth et Serge deviennent les tuteurs de leurs enfants, Marie et Dimitri.

En 1888, le tsar Alexandre III charge son frère, le grand-duc Serge, de le représenter à Jérusalem, pour la consécration de l’église Sainte-Marie-Madeleine, dédiée à la mémoire de leur mère, la tsarine Marie. La grande-duchesse Élisabeth accompagne son époux. Cette visite la marque d’une manière indélébile. Éblouie par la splendeur de l’église construite sur la colline du mont des Oliviers, elle s’exclame : « Comme j’aimerais être enterrée ici ! »

En avril 1891, lors de la vigile du dimanche des Rameaux, Élisabeth, restée luthérienne jusque-là, se convertit à l’orthodoxie. C’est le fruit de lectures de livres religieux, de conversations avec son mari et surtout de prières ferventes pendant les offices religieux où elle accompagne son époux. Lors de sa conversion – que son père désapprouve –, elle reçoit le prénom d’Élisabeth, mais cette fois en l’honneur de la mère de saint Jean Baptiste. […]

La même année, le grand-duc Serge est nommé gouverneur général de Moscou. Le couple passe de longues périodes à Ilynskoïe, dans une propriété familiale, non loin de la ville. La grande-duchesse déploie tous ses dons naturels d’attention et de générosité pour les personnes qu’elle côtoie. Dans les obligations de la vie mondaine comme dans les contacts personnels, elle se montre toujours attentive et efficace lorsqu’il s’agit d’aider les autres. Elle s’efforce d’améliorer le sort des habitants des campagnes, en organisant des écoles et des soins gratuits, notamment durant la grande famine de 1891-1892. À Moscou, elle visite régulièrement des hôpitaux, des orphelinats, distribue de la nourriture, des vêtements, de l’argent. En tout cela, elle suit l’exemple de sa mère, la princesse Alice. […]

Durant cette période de bonheur tranquille, Élisabeth s’adonne à l’étude de la langue russe, s’imprègne des traditions et de la culture de son pays d’adoption. Elle devient plus russe que les Russes. Elle approfondit surtout sa foi, notamment avec l’aide de l’archiprêtre Jean, futur saint Jean de Cronstadt (1829-1908), qu’elle rencontre souvent. Elle dira maintes fois plus tard que le père Jean l’avait toujours mise en garde de ne pas tirer gloire des œuvres de bienfaisance qu’elle accomplissait.

Cependant, la société russe subit des transformations profondes. Les vingt dernières années du XIXe siècle voient l’industrialisation rapide du pays, avec son cortège de bouleversements sociaux et de tensions accumulées. Le développement du capitalisme entraîne à la fois celui de la bourgeoisie et du prolétariat. Le début du XXe siècle trouve la Russie en pleine ébullition, aussi bien artistique et littéraire que politique. Des partis politiques présentent des revendications, réclament une assemblée représentative et les libertés civiles pour tous.

Fin janvier 1904, éclate la guerre russo-japonaise. Aussitôt, Élisabeth fait preuve de dons d’organisation et d’attention aux autres. Elle met en place des unités de soins qui seront envoyées au front et des trains hôpitaux pour rapatrier les malades et les blessés. Elle met sur pied des comités destinés à aider les veuves et les orphelins. Au Kremlin, elle établit, avec des femmes de la haute société, un centre de distribution de médicaments et du matériel de soins. C’est de là que sont expédiés au front des colis contenant des vêtements, des vivres et des médicaments. La grande-duchesse ajoute évangiles, icônes et livres de prière. Son action la rend populaire. Cependant, son mari à son poste de gouverneur de Moscou doit faire preuve d’intransigeance, ce qui suscite l’hostilité à son égard de la part des milieux révolutionnaires.

La guerre avec le Japon tourne à la catastrophe pour l’armée et la flotte russes. À l’intérieur du pays la situation se dégrade. Des grèves éclatent dans le pays et des actions terroristes organisées surtout par le parti des socialistes révolutionnaires se produisent un peu partout. De nombreuses personnalités politiques sont assassinées. Pour des raisons de sécurité le grand-duc Serge et Élisabeth s’installent dans un des palais du Kremlin de Moscou.

Le 22 janvier 1905 a reçu le nom, dans l’histoire russe, de « dimanche rouge ». Ce jour-là, la police de Saint-Pétersbourg ouvre le feu sur une manifestation ouvrière,

menée par un prêtre, Georges Lapone, qui se dirige vers le Palais d’Hiver pour remettre une pétition au tsar, ignorant que Nicolas II ne s’y trouvait pas. Il s’est avéré par la suite que Georges Gapone était un agent provocateur, mais cet épisode provoqua un sursaut d’indignation dans tout le pays et stimula encore le mouvement révolutionnaire.

Un mois plus tard, le 17 février, à Moscou le grand-duc Serge est assassiné à son tour par l’explosion d’une bombe au moment où sa voiture tirée par deux chevaux quitte le Kremlin. De son palais, Élisabeth entend l’explosion. Elle se précipite dehors et trouve le corps de son époux déchiqueté. Avec courage, elle ramasse un à un les restes de son mari disséminés sur le sol enneigé. Elle les dépose sur une civière, et les fait porter dans le monastère du Miracle tout proche. C’est là que la première pannychide est célébrée. Élisabeth reste agenouillée devant les restes de son mari pendant toute la durée du service. Apprenant que le cocher du grand-duc Serge, gravement blessé par l’explosion, vit encore, elle quitte un moment ses vêtements de deuil et se rend à son chevet. Elle lui dit que c’est son époux qui l’a envoyée le voir, comme s’il était encore vivant. Rassuré, le cocher s’endort et meurt paisiblement.

Trois jours après la tragédie, elle rend visite en prison – geste qui ne fut pas compris par tous – à l’auteur de l’attentat, Kaliaïev, un membre du parti socialiste-révolutionnaire. La grande-duchesse lui demande : « Pourquoi avez-vous fait cela ? » Il répond que depuis quelque temps déjà il voulait commettre cet attentat, mais que la présence de la grande-duchesse aux côtés de son mari l’en avait empêché car il ne voulait pas l’atteindre, sachant tout le bien qu’elle faisait autour d’elle. À quoi elle dit encore : « N’avez-vous pas compris qu’en tuant mon mari, vous me faisiez mourir aussi ? » Elle tente alors d’obtenir son repentir mais elle ne reçoit aucun écho. Au moment de quitter la cellule, elle lui laisse un évangile, et une petite icône. Elle demande aussi au tsar la grâce pour le détenu mais celle-ci lui sera refusée.

Sur la croix, dessinée par le grand peintre Vasnetsov, érigée à l’endroit de l’attentat qui a coûté la vie au grand-duc Serge, Élisabeth fait inscrire la phrase suivante : « Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Les quarante jours de deuil s’écoulent. Chaque jour, elle prie longuement dans la crypte du monastère du Miracle où repose son mari ainsi que les reliques de saint Alexis, métropolite de Moscou.

La disparition de son époux marque un tournant décisif dans la vie de la grande-duchesse. Le changement est radical : elle se retire du monde, se débarrasse de tous ses effets personnels. De sa chambre au Kremlin, elle fait une cellule monastique : icônes sur les murs, livres religieux sur les étagères. C’est alors qu’elle nourrit le projet de fonder une communauté d’entraide d’une forme totalement inconnue en Russie à cette époque. Elle ne veut pas d’une simple association de bienfaisance. Elle ne veut pas non plus d’un couvent de contemplatives comme il en existe beaucoup à cette époque en Russie. Elle souhaite une communauté de femmes unies par leur foi et la prière et qui se mettent au service des pauvres et des souffrants. Inspirée par le passage de l’évangile qui retrace la rencontre de Jésus avec Marthe et Marie (Lc 10, 38-42), elle choisit le nom de sa future fondation : la Demeure de miséricorde Marthe-et-Marie.

Élisabeth mettra quatre ans pour réaliser son projet. Pour cela, elle étudie longuement les règles des anciens monastères russes. Elle s’entoure de l’avis de startsi (les pères spirituels). Avec une précision rare et une persévérance à toute épreuve, elle conçoit tous les détails de sa fondation qui feront l’objet d’un examen minutieux du Saint-Synode de l’Église. Malgré tous les obstacles, l’incompréhension qu’elle rencontre et les tentatives de dissuasion, elle poursuit son idée. Elle vend tous ses biens et achète une propriété comportant plusieurs bâtiments pour y fonder sa Demeure.

Elle y fait installer en premier lieu un réfectoire et une cuisine, un hôpital, une pharmacie, une bibliothèque, et plus tard un orphelinat. Une petite église est dédiée aux saintes femmes myrophores Marthe et Marie. Une autre, sera bientôt édifiée en l’honneur de la Protection de la Mère de Dieu. Pour bâtir et décorer ce nouveau lieu de culte, Élisabeth entend réunir tout ce qu’il y a de plus beau, pour la gloire de Dieu. Mêlant le style médiéval de Pskov et de Novgorod avec celui de l’Art nouveau, le bâtiment est réalisé par les meilleurs artistes du temps, qu’Élisabeth connaît personnellement. […]

En 1909, Élisabeth quitte définitivement le Kremlin et ses habits de deuil pour s’installer avec quelques compagnes dans la Demeure de miséricorde Marthe-et-Marie. Elle choisit de porter en semaine un habit et un voile gris pâle, et une tenue blanche d’une très grande sobriété pour les jours de fête. Dans cette demeure elle ne se réserve que trois petites pièces : son bureau, son salon pour recevoir les visiteurs, et sa chambre avec son coin de prière.

Elle avait déjà consacré beaucoup de temps à la recherche d’un modèle de communauté qui correspondrait à ce qu’elle voulait. En Russie quelques initiatives existaient déjà, et même au sein de la famille impériale. […]

Toutefois, la grande-duchesse Élisabeth demandait conseil auprès de maîtres spirituels et visitait des monastères, non seulement en Russie, mais aussi en Occident, et étu

étudiait leurs règles. Elle avait accordé une attention particulière à deux institutions créées par des pasteurs luthériens allemands. La première, fondée en 1833, dont les membres s’appellent diacres, s’occupait de former des jeunes travailleurs sociaux pour les quartiers pauvres. La seconde, née trois ans plus tard, se nommait « les diaconesses de Kaiserwerth ». Ces dernières s’occupaient des problèmes de santé : formation d’infirmières, cours de soins pour jeunes comme pour vieux et pour infirmes.

Finalement, elle décide de reprendre le modèle de la diaconie primitive qui coïncide avec son désir de se consacrer au soin des malades et des pauvres. Malgré le plein appui du métropolite Vladimir de Moscou et celui des évêques Triphon et Anastase, Élisabeth doit soumettre par deux fois son projet au Saint-Synode, la plus haute instance de l’Église orthodoxe, pour qu’il soit accepté. La décision du Synode laissait ouverte la question de la reconnaissance du titre des diaconesses. La Demeure de miséricorde Marthe-et-Marie est formellement établie par décret impérial en mars 1910.

Le 9 avril 1910, Élisabeth franchit un nouveau pas : elle prononce solennellement ses vœux avec les sœurs de la jeune communauté. Le lendemain elle est ordonnée abbesse et s’appellera désormais mère Élisabeth. Le jour où elle prononce ses vœux, elle dit à ses sœurs : « Je laisse un monde brillant où j’avais une place brillante et avec vous toutes je monte dans un monde plus grand : le monde des pauvres et de la souffrance. » […]

Les services de la communauté sont appréciés par la population. Les religieuses qui reçoivent aussi une formation d’infirmière vont dans les quartiers pauvres de Moscou. L’hôpital offre des soins de qualité. Lorsque se déclenche la Première Guerre mondiale, Élisabeth consacre tout son temps et toutes ses forces aux soldats blessés. En plein conflit militaire éclate la révolution de février 1917. Le tsar est obligé d’abdiquer. Dès les premiers jours de la révolution des manifestants armés se présentent devant la Demeure et veulent arrêter mère Élisabeth, en affirmant qu’elle est une espionne allemande et qu’elle cache des armes. Élisabeth les laisse perquisitionner. Comme ils ne trouvent rien, ils épargnent la Demeure. Des représentants du gouvernement provisoire présentent leurs excuses à l’abbesse et lui conseillent de retourner au Kremlin pour être davantage en sécurité. Elle décide de rester avec ses sœurs. Dans le même temps, elle refuse les offres des émissaires de l’empereur d’Allemagne qui lui proposent de la ramener dans son ancienne patrie. Elle entend lier son sort à celui de la Russie. En agissant de la sorte, elle sait qu’elle risque sa vie.

En octobre 1917, débute la seconde vague révolutionnaire : les bolcheviks, par un coup d’état, s’emparent du pouvoir. La guerre civile éclate avec toutes ses atrocités. La communauté est inquiétée plusieurs fois. Finalement, en mai 1918, le troisième jour de Pâques, on vient arrêter mère Élisabeth. Sommée de quitter la Demeure dans la demi-heure, elle a juste le temps de réunir toutes les sœurs, de les bénir, de les remercier pour leur fidélité et de les embrasser.

C’est le début d’un long calvaire. Deux sœurs l’accompa­gnent. Elles sont envoyées par train en exil, à Perm, dans l’Oural. Là, une certaine liberté leur donne la possibilité d’assister aux offices dans un couvent. Élisabeth a le temps d’écrire à la communauté restée à Moscou une lettre, émaillée d’encouragements et de citations bibliques. Bientôt Élisabeth est transférée encore plus loin dans l’Oural. Une seule sœur désormais pourra la suivre, sœur Barbara. Elles sont amenées à Alapaïevsk, une bourgade des environs d’Iekaterinbourg, et emprisonnées dans une école désaffectée où Élisabeth retrouve six membres de la famille Romanov, arrêtés comme elle.

À l’aube du 17 juillet 1918, Nicolas II et toute sa famille sont assassinés à Iekaterinbourg dans la cave de la maison où ils étaient détenus. Le soir du même jour, Élisabeth et tous ceux qui se trouvent avec elle subissent le même sort. Après avoir été amenés au bord d’un puits de mine de fer désaffecté, ils y sont précipités vivants. Des pierres et des grenades sont ensuite jetées dans le puits.

Quelques temps plus tard, l’Armée blanche, à la poursuite des rouges, arrive sur les lieux de l’exécution. Ils découvrent les cadavres. Une enquête approfondie est réalisée sur les circonstances de leur assassinat. Élisabeth n’était pas tombée tout au fond du puits mais sur une saillie de la paroi. À côté d’elle le jeune grand-duc Jean avait la tête bandée. C’est Élisabeth qui, dans sa bonté coutumière, aurait pansé sa plaie. Un paysan qui passait par là peu après l’assassinat, témoigna avoir entendu chanter des hymnes venant du fond du puits. Élisabeth est donc décédée de ses blessures après une longue agonie le 18 juillet, fête de saint Serge qui était le saint patron de son mari. C’est pourquoi, selon le calendrier orthodoxe, c’est ce jour-là que la sainte nouvelle martyre Élisabeth Feodorovna est fêtée. Les funérailles des victimes sont célébrées dans la cathédrale d’Alapaïevsk en présence d’une foule nombreuse. Après la cérémonie, les huit cercueils sont déposés dans la crypte.

Cependant, les blancs ne peuvent se maintenir dans cette région que jusqu’à l’été suivant (juillet 1919). Comme les gardes rouges approchent de nouveau, les cercueils sont déplacés vers des lieux plus sûrs. Cachés dans des trains de marchandises, les huit cercueils traversent la Sibérie, par étapes successives. C’est un moine, l’higoumène Séraphim, qui avait connu la grande-duchesse et lui avait 

proposé, à un moment donné, de se réfugier dans son monastère, qui se charge de ce transport. Jour et nuit, il veille sur les cercueils. Avant que la Sibérie tout entière ne tombe aux mains des rouges, les cercueils sont transférés en Chine, et arrivent à Pékin en avril 1920. Apprenant la mort de leur sœur et l’endroit où était sa dépouille, Victoria et son frère Ernst, font tout pour que son cercueil ainsi que celui de sœur Barbara soient transportés à leurs frais à Jérusalem. En janvier 1921, ils sont déposés dans la crypte de l’église Sainte-Marie-Madeleine à la consécration de laquelle Élisabeth, alors grande-duchesse, avait assisté, plus de trente ans auparavant. […]

Durant le régime communiste, la mémoire d’Élisabeth est tout à fait occultée en Russie. L’Église orthodoxe est contrôlée par l’État dont l’idéologie est athée. Les chrétiens sont persécutés. Néanmoins, Élisabeth n’est pas complètement oubliée. Dans l’émigration, des communautés de femmes (sestritchestvo) sont constituées autour de certaines paroisses orthodoxes russes. Elles se consacrent au service de l’Église, ainsi qu’à l’aide aux malades et aux nécessiteux.

En 1990, le système soviétique s’écroule. La Russie redevient russe. C’est un réveil brusque. L’Église retrouve sa liberté. Les chrétiens peuvent s’exprimer. En témoigne le spectaculaire développement de l’édition de livres à thèmes religieux. Notamment paraissent de nombreuses biographies des saints « nouveaux martyrs ». Elles font revivre des êtres exceptionnels qui ont marqué de leurs sceaux le passé récent de la Russie. Mère Élisabeth fait partie de ces êtres-là.

Sainte Élisabeth nouvelle martyre est un exemple de vie de tous les jours. D’une part, elle est restée digne devant toute forme de souffrance. Chez elle, aucune place pour la révolte. Sans trêve, elle a cherché à transformer toute laideur en lumière. Son but était la transfiguration de l’être humain. D’autre part, elle s’est hissée au pardon total. Elle l’a prouvé de manière éminente en accordant le pardon à l’assassin de son mari. […]

Dans l’Évangile, il est écrit : « Là où est ton trésor, là est ton cœur » (Lc, 12, 34). On peut appliquer cette phrase à la vie de la grande-duchesse. Son trésor se trouve dans la Bolchaïa Ordynka, une ancienne rue de Moscou, au-delà de la rivière Moskova, où est établie la Demeure de miséricorde Marthe-et-Marie. C’est là que renaît son œuvre après les longues souffrances de la Russie du siècle passé.

 

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